Numéro 10, automne 2025

Dans ce dixième numéro, alors que Los Angeles brûle plus que jamais et le monde à sa suite, nous ne tirerons pas notre révérence avant de nous être laissées envahir par la rage des femmes incarcérées ; nous jouirons de nos symptômes allongées sur le divan avec Taylor Swift ; nous plongerons aux racines du numéro de Sécu, ami intime ou double administratif ; nous retiendrons notre envie de faire pipi avec Judith, Marion et Yvette, secrétaires dans un service hospitalier ; nous découvrirons qui se trouve derrière les initiales A.A. dans la botanique de l’Angleterre victorienne ; nous disséquerons la trajectoire et les usages d’une unité de mesure qui nous donne des coups de chaud ; nous prendrons position auprès des béguines de La Grande-Motte en lutte contre l’exploitation de la fiente de colombes ; puis nous analyserons quelques films d’horreur post-MeToo offrant une rebutante fenêtre sur couple.

Ayant dit beurk beurk beurk plus jamais, on se tournera vers les joies et l’insouciance de l’enfance pour se refaire une santé. Peine perdue, l’âge tendre n’existe pas dans l’absolu et beaucoup d’enfances se vivent en mode mineur. Que faut-il aujourd’hui pour être considéré·e comme un·e enfant ?

Collaboratrices de ce numéro

Conception graphique de la couverture : Eleonore Jasseny,

Conception graphique de la maquette : Eleonore Jasseny,

L’aventure de Panthère Première a commencé en 2016. Nous avions choisi de domicilier la revue à Marseille (où plusieurs d’entre nous vivaient), en raison de l’arrivée de Valérie Pécresse (Les Républicains) à la tête de l’Île-de-France : l’aide régionale qui avait soutenu la création de revues aussi indépendantes qu’impertinentes avait été immédiatement supprimée.

En 2022, le Centre national du livre (le CNL) nous refusait l’aide aux revues dont nous avions bénéficié pendant quatre années. Panthère Première était tout à coup jugée « trop militante et pas assez scientifique », de même que la revue amie Z. Notre ligne n’avait pourtant pas changé, pas plus que notre contenu.

En juin 2025, alors que nous bouclions ce dixième numéro, c'est le conseil régional PACA qui nous passait un coup de fil : la subvention que nous obtenions depuis sept ans allait être étudiée avec six mois de retard à cause… de notre usage de l’écriture inclusive. Nous pouvions nous réjouir : la Région était revenue la veille sur sa décision de sanctionner par un refus de subvention les opérateurs culturels utilisant le point médian.

2016-2025. Depuis notre lucarne, nous pouvons raconter un peu de cette folle décennie. Nous avons vécu l’élaboration d’une revue en non-mixité sans hommes cis avant #MeToo, quand il n’était pas encore rare d’entendre de toutes parts que c’était ridicule. Nous avons vécu #MeToo et grandi aux côtés des initiatives éditoriales et politiques qui ont fleuri dans son sillage. Nous avons désiré la vague, pris la vague, nous avons été emportées, déplacées, transformées. Nous avons vu la peur commencer à changer de camp ; puis ce camp organiser la riposte. Elle s’est efforcée d’étouffer financièrement les espaces de contestation ; elle s’est inventée porteuse d’un projet culturel ; elle a investi et attaqué les lieux de la pensée et de la création.

Nous avons tenu bon. Pendant près de dix ans, nous avons fait une revue. Une revue papier, par amour des (beaux) objets ; élaborée sous le signe de la lenteur, nécessaire aux gestations collectives ; alliant indépendance rédactionnelle, exigence et rétribution du travail. Une revue faite d’images et de textes, qui nous a menées aux quatre coins de la France, qui a créé des liens.

Les liens tissés rendent aujourd’hui possible d’écrire sans trembler : ce numéro est le dernier. Nous poursuivrons l’aventure de Panthère Première par d’autres moyens. Il y a tant de choses à faire, ensemble. La fin ? Non, le feu!

En attendant, nous sommes fières de ce qui a été et remercions chaleureusement toutes les personnes qui, de près ou de loin, ont fait vivre Panthère Première, y ont mis les mains, les yeux, le cœur. Merci.

Seum manifesto

Comment te faire croquer un peu de ma rogne

Texte de Juliette Stella, Dessins de Sophie Vendryes

Lire Albertine Sarrazin, Goliarda Sapienza, Nawal El Saadawi. Tendre l’oreille. Et entendre l’écho de leur colère se fracasser contre les murs de toutes les prisons.

Ma sœur Taylor

Et nos symptômes sur le divan de la pop musique

Texte de Nathalia Kloos, Dessins de Melek Zertal

Scoop : l’autrice de ces lignes est la sœur de la pop star Taylor Swift. C’est du moins la conclusion (pas si délirante qu’il n’y paraît) à laquelle elle est arrivée. Et ce, après avoir disséqué sa Taylormania avec l’aide d’une psychanalyste, d’un philosophe et de Valerie Solanas.

Treize chiffres pour une infrastructure

Petite histoire du numéro de sécu

Texte de Laurène Le Cozanet, Dessins de Théodora Jacobs

Les chiffres sont-ils capables d’organiser nos relations avec le monde ? Revenons sur l’histoire du numéro de la Sécurité sociale en France — treize chiffres, un identifiant unique pour chaque personne, qui, depuis ses origines militaires dans les années 1930, s’est vu doté d’une pluralité d’usages administratifs et intimes.

Des secrétaires à huis clos

La vraie vie dans les bureaux

Texte de Christelle Avril, Dessins de Céline Thoué

Les secrétaires n’ont pas disparu avec l’informatisation et le virage numérique des organisations de travail. Profession quasi exclusivement féminine, elles restent nombreuses en France, et pourtant elles sont invisibles, leur travail méconnu.

dossier : En mode mineur

Dans la plupart des pays, la barrière des 18 ans semble tracer une ligne claire entre mineur·es et majeur·es. Mais dès qu’on pense l’avoir saisie, l’idée d’enfance nous glisse entre les doigts. Au contact des institutions, en particulier — des administrations, des autorités ou encore du droit — elle devient proprement déroutante, sa définition changeant selon qu’elle sert à assigner, apprécier, évaluer, juger, protéger.

Qui trace les frontières de l’enfance, comment, à quelles fins ? Le dossier « En mode mineur » en explore les contours, tels que diverses instances normatives s’efforcent de les dessiner. Depuis les coulisses des services départementaux de l’Aide sociale à l’enfance (ASE), de la Cour pénale internationale, ou encore de tribunaux belges, nous interrogeons les mille torsions de cette catégorie ; mais aussi ce qu’en font les premier·es concerné·es qui, chacun·e à sa manière, rappellent combien la notion d’enfance est creuse si elle est brandie sans que ne soient assurées les conditions de son respect.

Dossier illustré par Ambre Lavandier. 

Autour de leur « petite planète »

Défaire les injonctions contradictoires de la protection de l'enfance

Texte de Aude Kerivel, Chloé Michaud, Lucile Ottolini, Anne Jacquelin, Alexandra Vié

Cinq sociologues examinent la tension entre exigence d’autonomie et reconnaissance du besoin d’attachement qui structure l’expérience des enfants placé·es.

La fille du clip ne nous a pas tout dit

Troubler le discours officiel sur la prostitution des mineur·es

Texte de Julia Burtin Zortea

À partir d’une expérience de travail médico-social dans un Centre de santé sexuelle, un récit en trois tableaux qui raconte les zones d’ombre d’une politique bruyante, escamotant son principal public.

Enfants sans preuves, adultes sans droits

Mineur·es non accompagné·es sur la scène de l'évaluation

Texte de Noémie Paté

L’histoire se déroule dans un bureau. À l’intérieur, Bastien. Et en face de lui, Moussa. Un enfant qui n’a pas les bons papiers et auquel on demande de jouer à un jeu dont il ne maîtrise pas les règles pour bénéficier de la protection qui lui est due.

Ne sont-iels pas des enfants

Adolescent·es face au racisme institutionnel

Texte de Anouk Renaud, Émilie Rouchon

Bruxelles, janvier 2025. L’État belge, une de ses polices et le bourgmestre de la capitale sont jugés pour avoir abusivement arrêté des mineur·es, quatre ans plus tôt.

Direction Pier Head !

Grève d'élèves à Liverpool

Photographies de Dave Sinclair, Texte de Anouk Renaud

En avril 1985, des milliers d’élèves de Liverpool descendent dans la rue pour protester contre le Youth Training Scheme du gouvernement Thatcher. Le photographe Dave Sinclair a immortalisé cette manifestation peu ordinaire.

Enfance en guerre face à La Haye

Entretien avec la sociologue Milena Jakšic

Propos recueillis par Marie-Noëlle Battaglia

Comment la Cour pénale internationale façonne-t-elle ses jugements lorsqu’entrent en scène des enfants-soldats ? Quel statut et quelle responsabilité pénale pour ces victimes néanmoins coupables ? Éléments de réponse, deux affaires à l’appui.

« Oui au travail digne, non à l’exploitation »

Mobilisation d'enfants travailleur·ses au Venezuela

Texte et images de Rémy Salvador

Au Venezuela, parmi les dizaines de milliers d’enfants qui participent aux activités agricoles de leur famille ou tiennent un commerce informel, certain·es s’organisent en groupes locaux et revendiquent un statut d’enfant travailleur·se.

Frappeur de carte

Extrait de poème

Texte de Henri-Michel Yéré, Dessins et mise en page de Maya Mihindou

Le Port a jauni publie des albums jeunesse et de la poésie illustrée bilingue, en français et en arabe. La nouvelle collection, en préparation à l’heure où ces lignes sont écrites, Nassaj (« tissage », en arabe), ouvre au plurilinguisme et à l’oralité. Ici, un extrait de Frappeur de carte, poème trilingue français-arabe-nouchi (langue parlée dans les rues d’Abidjan).

Histoire d’une amatrice anonyme

Botanique et cyanotypes

Texte de Alice Leroy

Un livre du XIXe siècle, l’un des premiers à avoir été illustré avec des photographies, était signé A.A. Qui se tenait derrière ces deux lettres ?

XHOOQ ?

Une brève histoire de calories, de mesures et de mensurations

Texte de Samir Boumediene, Dessins de Yihui Chang

Si la calorie nous est familière, l’histoire de cette unité de mesure est méconnue. Elle donne un point de vue privilégié pour penser les rapports entre ration alimentaire, travail et normes corporelles.

« Je suis allée travailler pour les autres »

Dans la cuisine d'une paysanne italienne

Propos recueillis par Nuto Revelli, Traduit par Patrizia Atzei, Palmina d’Ascoli, Armelle Girinon

Au mitan des années 1980, l’écrivain Nuto Revelli a collecté la parole de femmes de la campagne piémontaise. Cela a donné un livre, L’Anello forte.

« The fucking victim »

Horreurs du couple à l'écran

Texte de Marie Fabre, Dessins de Diane Étienne

Qu’arrive-t-il quand des personnages féminins cessent d’être les victimes désignées des films d’horreur pour regarder en face l’effroi que leur inspire leur couple ?

Espaces oniriques

Texte de Élise Bonnard, Candice Chechirlian, Wendy Delorme, Marguerin Le Louvier, Arsène Marquis, Dessins et mise en page de Arsène Marquis

Issue du Guide d’autodéfense onirique, qui sera un jour publié par un collectif anonyme du futur, cette carte représente les principaux espaces partagés du Rêve Lucide, afin de vous orienter lors de vos premiers voyages.