L’aventure de Panthère Première a commencé en 2016. Nous avions choisi de domicilier la revue à Marseille (où plusieurs d’entre nous vivaient), en raison de l’arrivée de Valérie Pécresse (Les Républicains) à la tête de l’Île-de-France : l’aide régionale qui avait soutenu la création de revues aussi indépendantes qu’impertinentes avait été immédiatement supprimée.
En 2022, le Centre national du livre (le CNL) nous refusait l’aide aux revues dont nous avions bénéficié pendant quatre années. Panthère Première était tout à coup jugée « trop militante et pas assez scientifique », de même que la revue amie Z. Notre ligne n’avait pourtant pas changé, pas plus que notre contenu.
En juin 2025, alors que nous bouclions ce dixième numéro, c'est le conseil régional PACA qui nous passait un coup de fil : la subvention que nous obtenions depuis sept ans allait être étudiée avec six mois de retard à cause… de notre usage de l’écriture inclusive. Nous pouvions nous réjouir : la Région était revenue la veille sur sa décision de sanctionner par un refus de subvention les opérateurs culturels utilisant le point médian.
2016-2025. Depuis notre lucarne, nous pouvons raconter un peu de cette folle décennie. Nous avons vécu l’élaboration d’une revue en non-mixité sans hommes cis avant #MeToo, quand il n’était pas encore rare d’entendre de toutes parts que c’était ridicule. Nous avons vécu #MeToo et grandi aux côtés des initiatives éditoriales et politiques qui ont fleuri dans son sillage. Nous avons désiré la vague, pris la vague, nous avons été emportées, déplacées, transformées. Nous avons vu la peur commencer à changer de camp ; puis ce camp organiser la riposte. Elle s’est efforcée d’étouffer financièrement les espaces de contestation ; elle s’est inventée porteuse d’un projet culturel ; elle a investi et attaqué les lieux de la pensée et de la création.
Nous avons tenu bon. Pendant près de dix ans, nous avons fait une revue. Une revue papier, par amour des (beaux) objets ; élaborée sous le signe de la lenteur, nécessaire aux gestations collectives ; alliant indépendance rédactionnelle, exigence et rétribution du travail. Une revue faite d’images et de textes, qui nous a menées aux quatre coins de la France, qui a créé des liens.
Les liens tissés rendent aujourd’hui possible d’écrire sans trembler : ce numéro est le dernier. Nous poursuivrons l’aventure de Panthère Première par d’autres moyens. Il y a tant de choses à faire, ensemble. La fin ? Non, le feu!
En attendant, nous sommes fières de ce qui a été et remercions chaleureusement toutes les personnes qui, de près ou de loin, ont fait vivre Panthère Première, y ont mis les mains, les yeux, le cœur. Merci.