Page blanche dans la ville verte

Être bibliothécaires à Grenoble à l'heure de la casse et du pass

Type : entretien, Hors-numéro

Thèmes : discrimination, féminisme, luttes, pouvoir, travail

Illustration : Toutes les photographies sont de Rambouille. Rassemblement sur le parvis de la mairie de Grenoble, 9 novembre 2021.

Fermeture et numérisation des bibliothèques, suppression de postes et installation d'automates, travail de sape de la lutte des bibliothécaires contre les effets discriminatoires du pass sanitaire dans leur service... Depuis l'arrivée d'Éric Piolle à la fonction de maire à Grenoble, le secteur de la lecture publique souffre mille morts, mais résiste aussi à la casse.

 

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À Grenoble, entre août et novembre 2021, des bibliothécaires – agentes1  de la Ville – ont mené une lutte pour s’opposer au contrôle du pass sanitaire à l’entrée de leur établissement, en raison du caractère socialement discriminatoire de cette mesure, mais aussi pour refuser d’associer une fonction policière à leur métier. Le maire de Grenoble, Éric Piolle, ayant publiquement affiché son opposition au pass fin juillet 2021, ces dernières pensaient qu’elles seraient soutenues par leur employeur. À tort : très rapidement, leur refus de contrôler a été menacé de sanction, et la mobilisation contre le pass sanitaire s’est ainsi doublée d’une résistance contre les efforts déployés par la municipalité pour casser le mouvement.

Cette dissonance entre la communication publique de l’élu vert et sa gestion politique locale n’est pourtant pas un fait isolé. Les bibliothécaires de Grenoble sont bien placées pour le savoir. Dans le programme politique en 120 points  qui l’a mené au pouvoir en 2014, parmi pléthore de mesures écologiques et sociales enrobées de démocratie participative, Éric Piolle promettait notamment de « maintenir et soutenir le réseau des bibliothèques municipales ». Or, deux ans plus tard, il annonçait la fermeture de trois d’entre elles, dans le cadre d’un plan d’austérité visant exclusivement les services publics, ce qui entraîna une lutte sans précédent à l’échelle des bibliothèques. 

Le témoignage qui suit offre une lecture des mandats de Piolle à partir du point de vue des travailleuses qui forment le collectif des Bibliothécaires de Grenoble en lutte, constitué en 2016 et réactivé en 2021. Syndiquées et/ou au croisement de différents engagements politiques, elles font le récit d’une pratique du pouvoir de la gauche rouge-verte chèrement payée : une gestion municipale libérale et autoritaire se caractérisant par une communication lénifiante et une véritable casse du service public, casse par ailleurs ancrée dans des rapports sociaux – de genre et de classe. Car, observent-elles, depuis 2014, « les plans sociaux ont concerné avant tout des services majoritairement féminins, peu syndiqués, a priori peu prompts à la révolte ». Sans s’attendre à ce que les principales concernées contre-attaquent avec autant de pugnacité.

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« Pour contextualiser, il faut savoir qu’on a eu Michel Destot (PS) à la mairie de Grenoble pendant seize ans avant l’arrivée d’Éric Piolle. Le climat Destot, dans le secteur culturel, c’était à la papa, de petites coupes budgétaires par-ci, par-là, mais pas trop d’ingérence non plus. Et puis arrivent les élections municipales de 2014 avec cette équipe rouge-verte menée par Piolle qui se présente et qui met très fort l’accent sur la démocratie participative, les réformes écologistes, la politique sociale. Pas mal de collègues bibliothécaires y ont été sensibles. Bref, cette nouvelle équipe a suscité des espoirs et des débats à n’en plus finir jusque dans les milieux libertaires. Fallait-il voter ou se remettre à voter ? Ce serait la fin du PS au pouvoir… Pour beaucoup, cette alternative ne semblait pas inintéressante. Piolle a été élu. C’était le premier maire écolo à rafler une ville de plus de 100 000 habitants. »

 

Douches froides : dégrader la culture, « dégraisser » le service public

« Rapidement, ça a été une énorme douche froide. Dans nos services, on peut citer deux événements qui nous ont particulièrement secouées. En novembre 2015, pour protester contre la baisse des dotations de l’État aux collectivités2 et faire “prendre conscience” aux Grenoblois·es que les caisses de la ville étaient vides, Piolle a décrété une journée sans service public. Concrètement, il a imposé pendant une journée entière à tous·tes ses agent·es d’être sur leur lieu de travail mais de ne pas ouvrir au public. Ça aurait pu être une excellente idée si c’était venu des agent·es ou des syndicats, ou s’il y avait au moins eu une concertation entre employeur, syndicat et agent·es. Sauf que là, ça nous est tombé sur la tête. Ce jour-ci, dans l’après-midi, tous·tes les fonctionnaires de la Ville ont été sommé·es de se rendre au Palais des sports, où on a été abreuvé·es de discours sur la co-concertation et le participatif. On hallucinait. D’autant plus que son idée était pernicieuse : quelque part, le discours sous-jacent était aussi de montrer aux gens que le service public coûtait cher et que s’ils voulaient déneiger la rue eux-mêmes pour nous aider, c’était super sympa – sans bien sûr faire le lien avec la perte des emplois et la réduction du service public à venir.

La deuxième douche froide est venue juste après. En juin 2016, le metteur en scène Joël Pommerat a publié une tribune dans Libération  suite à son passage à la MC2, la scène nationale de la ville. Lui aussi devait nourrir de grands espoirs par rapport à Grenoble, que beaucoup voyaient comme un laboratoire, et il avait dû tomber de sa chaise. Dans ce texte, il dénonce la politique “libérale et populiste” de la mairie, et il a tout à fait raison. Sous couvert de “culture pour tous”, Piolle propose une vision hyper dégradée : en finir avec les élites parisiennes, en finir avec ces grandes politiques culturelles à la Malraux, à la Jack Lang, ce qui peut s’entendre, sauf qu’à la place ce qu’il nous a servi et nous sert encore, c’est une culture sans argent, une petite vie culturelle locale sans aucune exigence, sans subventions, secondaire en somme, pour laquelle il encourage le mécénat privé et les formes de culture “amatrices” (donc bénévoles). C’est clairement méprisant, puisque ça sous-entend que les gens des milieux populaires ne sont pas en capacité de comprendre ce qu’est “la culture”, et que donc, on va faire des trucs bas de gamme pour concerner tout le monde plutôt que d’essayer de diversifier les propositions et d’accompagner – ce qui était plutôt notre positionnement dans les bibliothèques. Corinne Bernard, l’adjointe aux Cultures (au pluriel, parce qu’à Grenoble on a le sens de la formule) de Piolle, était avant cela postière puis cheffe de gare. C’est dit sans mépris de classe, car en vrai, pourquoi pas. Sauf qu’elle ne connaissait ni ses dossiers ni le milieu culturel en arrivant, ce qui en dit long sur les intentions municipales et l’attention accordée au secteur. 

Pendant longtemps, y compris sous Destot, la ville a été marquée par une sorte de richesse culturelle où coexistaient des lieux de culture qu’on pourrait juger élitistes, comme la MC2, et beaucoup de salles plus petites ou des squats, qui proposaient une offre plus subversive. C’était, disons, diversifié et complémentaire – et ça s’est franchement étiolé avec la baisse des subventions et la politique de fermeture progressive des squats. Depuis les années 1960, il en allait de même avec les bibliothèques : l’idée a toujours été de ne pas avoir de grosses têtes de réseau, pas de gros équipements, et de développer des petites structures un peu partout sur le territoire pour être dans une forme de proximité, ce qui explique le maillage extraordinairement serré de bibliothèques à Grenoble. 

Mais revenons à la douche froide. Deux ou trois jours après que cette tribune de Pommerat a été publiée, toutes les bibliothécaires de Grenoble ont été convoquées à une AG mystérieuse par la mairie. On nous a alors appris que trois bibliothèques allaient être fermées dans le cadre de ce que la mairie a présenté comme “un plan de sauvegarde des services publics”, mais qui n’était autre qu’un énorme plan d’austérité se traduisant par la suppression de 150 postes, la fermeture d’un certain nombre de structures publiques, dont des Maisons des habitants, des centres sociaux, etc.3 Bref, la casse d’un service public reconnu pour sa grande densité et ses aspects avant-gardistes, hérité des années Dubedout [maire PS de 1965 à 1983]. Du jamais vu dans une collectivité jusqu’alors. Deux ans avant, Piolle se présentait avec un gros volet social et disait qu’il allait soutenir le réseau de la lecture publique… Ces trois bibliothèques (Alliance, Prémol et Hauquelin) étaient situées dans des quartiers populaires. C’était symboliquement ultra choquant. Même Carignon [maire RPR de Grenoble entre 1983-1995] avait fini par abandonner l’idée de s’attaquer aux bibliothèques après avoir essayé… »

 


Occupation de la mairie, 9 juin 2016, Grenoble.

 

Sauver les bibliothèques : un an de lutte dans le silence médiatique (2016-2017)

« L’argument, pour fermer ces bibliothèques, était notamment de dire que deux d’entre elles étaient des annexes, c’est-à-dire de toutes petites structures qui venaient en complément de bibliothèques plus grandes. Traduction par l’équipe de Piolle : elles ne servent donc pas à grand-chose et les gens n’ont qu’à marcher 15 minutes de plus pour trouver des livres. Sauf que c’était complètement en décalage avec les réalités de terrain : certes, les horaires d’ouverture étaient restreints, mais il s’y passait énormément de médiation culturelle et d’accueil de classes pendant les horaires de fermeture. C’étaient aussi des bibliothèques jeunesse situées dans des quartiers populaires, donc il y avait peut-être aussi le préjugé qu’il n’y aurait personne pour râler et se mobiliser. Et puis il faut dire que depuis que Piolle est au pouvoir, tous ses plans sociaux ont concerné avant tout des services majoritairement féminins, peu syndiqués, a priori peu prompts à la révolte. On ne s’attaque pas aux éboueurs ou aux espaces verts, on s’attaque aux Atsem dans les écoles4, aux bibliothécaires, à la médecine scolaire, aux métiers du social… L’équipe municipale ne s’attendait donc pas à une résistance, à une lutte. Pour elle, c’était plié, ça allait se faire tranquillou.

Sauf que, ce jour de juin 2016 où nous avons toutes été convoquées pour qu’on nous annonce ces fermetures (et la suppression de 13 postes), on était préparées. Les syndicats avaient laissé filtrer l’information : on attendait Piolle (qui a finalement envoyé son adjointe au casse-pipe à sa place) avec des pancartes. On a tout de suite dit qu’on laisserait pas passer ça. En fait, si la mairie n’avait pas prévu un truc, c’était bien l’engagement des bibliothécaires : nous sommes un petit noyau à être politisées et impliquées dans le monde militant grenoblois – que ce soit dans les luttes féministes, libertaires, antitech, syndicales, etc. – mais il y a aussi toutes nos collègues, et notamment les « anciennes », qui sont peu syndiquées et peut-être moins radicales, mais qui se déchaînent quand il s’agit de sauvegarder le service public.

On a mené une lutte phénoménale qui a duré un an. On était par ailleurs en pleine opposition à la loi Travail, donc il y avait parallèlement beaucoup de mobilisations à Grenoble : Nuit debout, le collectif On bloque tout, les toto… Autant de réseaux de soutien et d’ami·es qui nous permettaient d’avoir une grosse force de frappe. L’intersyndicale5 s’est constituée super vite, et c’est parti très fort. Dès juin 2016, on a perturbé un premier conseil municipal en tapant sur les vitres, puis envahi et fait annuler un autre conseil, ce qui ne s’était jamais vu à Grenoble. On appelait à des rassemblements à chaque conseil. En face, ils filtraient les entrées, remplissaient la salle avec des figurant·es, et les conseils municipaux se sont faits sous surveillance policière, sans compter les fois où il y a carrément eu CRS, matraquage et gazage. C’était carrément la guerre. On savait que le rapport de force ne jouerait jamais en notre faveur, mais on n’arrivait pas à lâcher, c’était symbolique. Et puisque cette équipe municipale fonde une énorme partie de sa politique sur la communication, on a choisi de jouer sur cet aspect-là : détruire leur communication. Sauf qu’à l’exception du Canard enchaîné , les rédactions et les médias nous ont fermé (et nous ferment encore) la porte. La présidentielle de 2017 arrivaient à grands pas, et face à Marine Le Pen, Piolle apparaissait pour pas mal de monde comme un rempart contre le fascisme, en plus de symboliser l’espoir, l’écologie au pouvoir. Fallait pas y toucher, pas regarder sous la façade. Pourtant, ce mec, c’est aussi notre employeur, un employeur libéral et lâche. C’est notamment face au silence des médias qu’on a fini par monter la page Bibliothécaires de Grenoble en lutte  sur Facebook.


Conseil municipal, 26 septembre 2016, Grenoble.

 

Pour le dire vite, les bibliothèques Hauquelin et Prémol ont définitivement fermé en juillet 2016, un mois après l’annonce du “plan de sauvegarde”, ce qui fût très rapide et brutal, et la bibliothèque Alliance a été, entre guillemets, sauvée : c’est-à-dire, avec moitié moins de personnel, de collections et d’heures d’ouverture. Sauf que dit comme ça, c’est un peu moche, donc la mairie a dit que ce serait un “tiers lieu”, avec café, expo, etc. Pour y parvenir, la CFDT et la CFTC, qui n’étaient pas dans l’intersyndicale, avaient négocié peu avant un « accord de méthode » avec la mairie, impliquant le sauvetage sous conditions d’une des bibliothèques au détriment des deux autres. On l’a très mal vécu.

Mais le pire, c’est ce qui s’est passé avec le collectif d’habitant·es Touchez pas à nos bibliothèques , qui a décidé d’utiliser un outil de participation citoyenne élaboré par Piolle. Le collectif a lancé une pétition contre les fermetures, et recueilli 4 000 signatures. Dans le dispositif prévu par la Ville, quand une pétition dépasse 2 000 signatures, elle peut entraîner l’organisation d’une votation, ce qui a été demandé. Mais tu imagines une votation sur le sujet “Pour ou contre la fermeture des bibliothèques ? ” dans une ville qui a élu une équipe soi-disant de gauche ! C’était un suicide politique pour Piolle, qui a préféré tuer son outil plutôt que de se confronter démocratiquement à son erreur. Au conseil municipal, quand il a mis son véto, il était livide6. »

 


Conseil municipal, 26 septembre 2016, Grenoble.

 

Faire filer droit : gouverner par les Post-it et le tout numérique

« Preuve que leurs mesures anti-sociales faisaient quand même tache dans le paysage, l’équipe de Piolle a annoncé un “plan lecture 2018-2025” juste après les fermetures, avec comme point premier la construction d’une nouvelle bibliothèque7. Non, tu ne rêves pas, même si rien n’a encore été lancé à ce jour. Ils ont aussi annoncé la gratuité totale des bibliothèques, dont ils venaient pourtant d’augmenter les tarifs8. Puis ils ont annoncé qu’ils allaient faire un gros travail de consultation pour mieux adapter les horaires des bibliothèques aux habitant·es. En gros, ils ont compris qu’ils avaient fait une énorme connerie politique et ils ont voulu remonter le réseau de la lecture publique mais à leur sauce : c’est à dire, à coups de communication, sans s’appuyer sur les agent·es, et en introduisant une énorme dose de management. Il faut dire qu’ils n’ont pas le pardon facile, aussi vit-on un enfer depuis 2018.

Concrètement, en tant que bibliothécaire, tu n’as plus aucune autonomie, tu ne décides plus de rien, et si tu veux faire la moindre animation dans ton équipement (inviter un·e auteur·ice par exemple), il faut que ça remonte tous les échelons hiérarchiques avant d’avoir une autorisation. Avant, on avait clairement plus de marge de manœuvre, on ne recevait jamais de réponse comme quoi notre proposition “n’entrait pas dans la ligne”. Certes, c’est une manière de nous signifier qu’on ne nous fait plus confiance, après la lutte menée, mais c’est très représentatif du fait que cette mairie ne s’appuie pas sur le travail de “terrain”. On nous renvoie sans cesse au fait que notre avis sera forcément rétrograde, englué dans le passé et que, donc, il ne compte pas, tout en nous invitant à participer à une pléthore de “groupes de travail” qui durent sincèrement des heures, organisés par des agences de concertation privées payées rubis sur l’ongle, pendant lesquels Legos et Post-it sont convoqués pour “réfléchir ensemble et co-construire” – mais où tout a déjà été décidé en amont. Alors que ça coûterait pas un rond de nous demander notre avis, s’il était jugé digne d’être écouté. Ces histoires de co-concertation, c’est vraiment un écran de fumée. Par exemple, quand ils ont mené leur “consultation” sur les horaires des bibliothèques auprès des usager·es, ils leur ont aussi demandé ce qu’ils·elles pensaient de l’idée d’installer des automates de prêt et de retour, ce à quoi les gens ont globalement répondu qu’ils y étaient très opposés. Ce qui n’a pas empêché la mairie de les installer partout depuis 2019. Donc bon… l’avis des autres, on en reparle.

Ce que ça raconte aussi, c’est qu’il existe des financements de l’État visant à accompagner la numérisation des bibliothèques, en les dotant également de tablettes et de liseuses, et que la mairie Piolle a décidé de prendre ce train-là – le train du silicium, au demeurant9. Il s’agit de l’un des axes du “plan lecture”. Au quotidien, l’introduction des automates se traduit par le fait de rester plantées à côté de la machine pour aider les gens à faire leurs prêts et leurs retours tous seuls et à essuyer leur colère parce qu’il y a globalement beaucoup de dysfonctionnements. À la base, on fait quand même ce boulot parce qu’on aime les livres et qu’on cherche à lier un contact humain autour de la lecture. Avec la crise sanitaire et l’introduction du pass sanitaire, il ne reste presque plus rien de ça : quand on est à l’entrée, on est censées demander le pass, le scanner, puis on demande aux gens de mettre du gel, on vérifie les masques, puis on reste assises à côté de l’automate de prêt-retour pour vérifier que tout va bien. De l’abêtissement. En fait, on n’a pas vraiment pu lutter contre l’implantation des machines car elles ont pour la plupart été mises en place au moment du covid, qui a écrasé toutes nos possibles revendications. Avec les quatre années qu’on venait de vivre, on était déjà littéralement à bout quand la crise sanitaire est arrivée. 

En février 2021, quand on a entendu sur France Culture Lucille Lheureux [l’actuelle adjointe aux Cultures] revenant sur l’épisode des fermetures des bibliothèques avec une novlangue tout droit sortie d’un magasin bio, sans jamais nommer qu’il s’agissait d’un plan d’austérité et en sous-entendant que, globalement, ces bibliothèques étaient inadaptées, qu’elles n’avaient plus de public et qu’il fallait moderniser le réseau, ça a fini de nous achever10 ! »

 

 Opposez-vous au pass sanitaire, mais bien sagement »

« Malgré tout cela, pendant les confinements successifs, on a été contentes de rester ouvertes et d’accueillir du public. D’un seul coup, les bibliothèques sont devenues des lieux essentiels, même si tout le monde pensait qu’elles étaient fermées car nous n’avons bénéficié que de très peu de communication – beaucoup moins en tout cas que les librairies qui luttaient pour rester ouvertes, et qui sont des magasins, donc qui ne concernent pas le même public. Nous avons été soumises à énormément de protocoles, qui changeaient toutes les semaines. On s’est gentiment adaptées.

Là-dessus, arrive le pass sanitaire. Nous sommes fin juillet 2021 et Piolle vient de signer une tribune dans Libération s’opposant au pass , notamment dans les services publics, ainsi qu’une pétition. Côté bibliothécaires, on a tout de suite fait savoir qu’il nous semblait impossible d’introduire le pass car cela contrevenait à l’accueil gratuit et inconditionnel qui caractérise nos équipements, ainsi qu’à tous les efforts réalisés quotidiennement pour créer des liens, parfois fragiles, avec les lecteur·ices, dans le contexte de baisse de fréquentation généralisée qui est le nôtre. On a reçu une lettre de notre direction nous disant qu’elle était d’accord avec ce positionnement mais que bon, puisque c’était une loi, on était censées l’appliquer. Ceci étant dit, vus les propos de notre employeur dans les médias, on se sentait tout de même assez protégées.

Or, dès le 10 août, celles qui n’avaient pas contrôlé les pass à l’entrée des bibliothèques ont reçu un courrier de la Ville les rappelant à l’ordre, mentionnant que le refus d’obéissance était passible de sanction – et que des sanctions seraient appliquées. Suite à ça, on a provoqué une heure d’information syndicale – une sorte d’AG. Une quarantaine de bibliothécaires ont annoncé qu’elles ne contrôleraient pas11. Beaucoup d’autres se montraient plus timides à l’idée de transgresser la loi, mais étaient complètement partantes à l’idée de faire grève, qui était un moyen d’afficher leur refus du pass sans avoir à désobéir. On a donc déposé un préavis de grève reconductible le 24 août contre le pass sanitaire dans les bibliothèques mais aussi contre les menaces de sanction de la mairie. L’intersyndicale a réuni les six syndicats de la Ville, de la CNT à la CFTC : c’était complètement inédit qu’ils se réunissent ainsi pour protéger les agentes en faisant fi des différences politiques, et Dieu sait qu’il y en a ! Dans certaines bibliothèques, la grève a duré trois semaines d’affilée, ce qui n’était jamais arrivé. C’était dur, pas toujours simple à justifier auprès des usager·es. Certaines collègues ont d’ailleurs accepté de contrôler les pass pour ne pas pénaliser les gens. C’est aussi pour ça qu’on a décidé de rouvrir, en continuant la grève à raison de deux jours par semaine jusqu’à novembre.

Depuis le début, le message de la mairie est aussi clair que dissonant : appliquez la loi tout en luttant contre ; faites une lutte, médiatisez les choses, faites grève, faites travailler vos juristes syndicaux pour trouver des failles, mais s’il vous plaît, CONTRÔLEZ LES PASS. Pierre Mériaux, l’adjoint au personnel de la mairie (par ailleurs inspecteur du travail), nous a dit que l’équipe municipale était tout à fait d’accord avec nos idées, tout en restant sur un positionnement extrêmement légaliste : il nous fallait nous opposer au pass, mais bien sagement, en contrôlant quotidiennement et en faisant grève par-ci, par-là. La mairie de Grenoble aurait pu avoir un peu de courage, essayer de faire coalition avec d’autres maires en France ou, a minima, faire comme les mairies écolo de Lyon ou de Strasbourg, qui n’ont pas sanctionné leurs agent·es. Non, c’était le monde à l’envers : au niveau national, EELV (le parti de Piolle) a écrit un communiqué  disant qu’il nous soutenait contre le pass sanitaire (notamment pour les 12-17 ans), tandis que, localement, Piolle nous annonçait qu’il allait nous sanctionner si nous ne le contrôlions pas. Il ne faut pas oublier qu’il était à ce moment-là en campagne pour la primaire de l’élection présentielle et qu’un mouvement social contre le pass sanitaire devait le gêner. Signer une tribune contre le pass sanitaire, ok. Mais s’engager dans une véritablement lutte politique contre le pass, dans un climat où les arguments anti pass étaient et sont souvent confondus avec ceux des anti-vax, ça la foutait mal. On a certainement pris pour ses ambitions. »

 

Rassemblement contre le pass sanitaire dans les bibliothèques municipales sur le parvis de la mairie de Grenoble, 9 novembre 2021.

 

Refuser la logique d’exclusion et de contrôle de la population

« À Grenoble, on est à 100 % d’agent·es vacciné·es, donc autant dire que la vaccination n’a même pas été un débat au sein de l’administration. En revanche, notre mobilisation pointait le caractère discriminant du pass, dans un contexte où l’accès à la vaccination était réduit. Fin juillet 2021, bon nombre de personnes ne pouvaient prétendre au pass (en raison d’un schéma vaccinal incomplet) et il était compliqué de prendre rendez-vous, et ce d’autant plus quand tu ne parles pas bien français. On se positionnait plutôt en faveur d’un accompagnement à la prise de rendez-vous en bibliothèques, pour les personnes qui n’étaient pas opposées à la vaccination mais qui ne savaient pas comment s’y prendre. Autrement dit, on a tout de suite envisagé et constaté les conséquences sociales directes de l’introduction du pass dans un service public où l’accueil est supposé universel, et où l’on propose davantage qu’un accès à la lecture. Aller à la bibliothèque, pour certain·es personnes précaires, c’est s’offrir un moment de répit, avoir chaud, dormir dans un fauteuil, pouvoir aller aux toilettes. Pour d’autres, oser entrer dans un lieu rempli de livres résulte d’un chemin long et compliqué, donc s’en faire refouler du jour au lendemain peut être complètement traumatisant. En septembre, dans un équipement, les bibliothécaires se sont retrouvées à devoir refouler la moitié d’un groupe de mineur·es migrant·es isolé·es venant visiter la bibliothèque avec un accompagnateur. Les exemples de ce type sont nombreux.

En appliquant des protocoles sanitaires stricts pendant les confinements (jauges, gestes barrières, nettoyages réguliers), on a montré que les bibliothèques publiques n’étaient pas devenues des lieux de contamination. Ce qui est insupportable, c’est l’injustice sociale et la logique de profit économique qui motive la mise en place différenciée du pass. Par exemple, pourquoi le pass sanitaire est demandé dans les bibliothèques municipales et non dans les bibliothèques d’étude, comme la BPI  ou la BNF  à Paris, ou même les librairies ou les supermarchés ? Sur quoi repose cette discrimination ? Pourquoi un étudiant-chercheur a moins de risque de contaminer ou d’être contaminé qu’un clampin lambda dans son quartier ? Outre le pass, ce sont les hiérarchies sociales mises à jour par le pass sanitaire qui sont inacceptables.

On s’est aussi heurtées à l’impossibilité concrète de vérifier les QR codes des personnes entièrement vaccinées mais avec des vaccins non européens, pour lesquels il faut faire plein de démarches pour avoir une équivalence dans le système français. Il y en a beaucoup, en tout cas plus qu’on ne le croit, et ça ne concerne pas que les catégories sociales les plus pauvres. On nous a formellement interdit de lire nous-même les papiers des gens, il fallait absolument que ça fasse “BIP” avec l’application anti-covid, et si ça faisait pas “BIP”, on devait refouler – même si le problème vient de ton téléphone, ou que tu n’arrives pas à scanner le QR code car le papier est froissé. L’absurdité. De plus, les personnes âgées qui avaient été les premières à se faire vacciner n’avaient, au début, pas de QR codes. Donc hop, refoulées. Deux mois plus tard, début octobre, la mairie a levé l’obligation de pass pour les 12-17 ans ainsi que pour le public des ateliers sociolinguistiques12, et a enfin donné la consigne d’avoir un peu plus de souplesse (en autorisant la lecture des documents autrement qu’en les scannant  par exemple). Mais c’est arrivé bien tard, et à la faveur d’une lutte harassante…

Il faut aussi dire que cette opposition au pass sanitaire est pour certaines d’entre nous plus large qu’un engagement d’ordre purement professionnel. Il s’agit de refuser de participer au contrôle social de la population et d’être le relai d’une politique étatique de gestion de crise qui s’est faite sans pédagogie, sans information collective, de manière très autoritaire et erratique. L’État est engagé depuis longtemps dans une logique de casse du service public et veut supprimer 70 000 postes et, d’un seul coup, nous sommes indispensables pour seconder la police (la préfecture nous l’a clairement dit quand on a rencontré son directeur de cabinet). Jusqu’où veut-on nous amener ? À quel moment, en tant que fonctionnaire, tu te dis que ça va trop loin et tu dis stop ? »

 

Psychologiser la lutte et sanctionner les agentes

« Cette lutte, qui a duré un peu plus de quatre mois, a été particulièrement épuisante, car nous avons été soumises à une pression sans précédent de la part de notre employeur. Parmi nous, la solidarité a été très forte et ça n’était pas une donnée évidente car, dans les équipes, il y avait celles qui refusaient nettement de contrôler quand elles n’étaient pas en grève, celles qui contrôlaient tout en étant opposées au pass, celles qui s’en foutaient un peu, et celles qui refusaient au début de contrôler mais qui, face au harcèlement, ont fini par céder. Au début, une quarantaine de personnes avaient annoncé leur intention de ne pas contrôler, et nous n’étions plus que douze à la fin. En fait, la mairie a organisé un véritable climat de terreur pour briser la lutte.

Il faut imaginer : chaque matin, nos supérieures hiérarchiques, avec qui on passe nos journées dans la bibliothèque, nous demandaient à chacune si nous allions contrôler le pass, pour en référer à l’administration. Ce moment s’organisait différemment d’une bibliothèque à l’autre, mais dans certaines, ça donnait concrètement ça : tu arrives à 9 heures ; à 9 h 30 toute l’équipe doit se mettre en rond ; ta supérieure demande à chacune si oui ou non, elle va contrôler aujourd’hui ; si tu as dit non, 10 minutes plus tard, tu reçois un mail, avec la hiérarchie en copie, signifiant ton refus de contrôler et t’informant que des mesures disciplinaires seront prises à ton encontre. Tous les matins, tous les jours, dans des équipes de dix personnes max. Une seule directrice de bibliothèque a soutenu la lutte. Aucune autre n’a pris la défense de son équipe pour s’opposer à ce manège. On a vu les collègues craquer au fil des mois.

Ensuite, il y a eu le chantage. En octobre, la mairie a lâché quelques trucs, comme on l’a dit avant, mais en échange, Mériaux nous a explicitement demandé de lever notre préavis de grève local, et de ne suivre plus que les grèves nationales. Nous avons évidemment refusé, et c’est là que les choses ont basculé dans la folie : Mériaux nous a fait savoir que si on prenait rendez-vous avec la médecine du travail et qu’on y faisait reconnaître notre fragilité psychologique, on serait peut-être exemptées du contrôle des pass sanitaires. Mais qu’en revanche si nous ne prenions pas ces rendez-vous, la mairie considérerait que nous étions dans une opposition politique, et les sanctions seraient donc appliquées. Ce sont des techniques patronales de répression des luttes, et c’est aussi une mesure ultra sexiste, faire passer des femmes politiquement engagées pour des hystériques.

On a beaucoup débattu entre nous pour savoir si on allait ou pas à la médecine du travail, et finalement, on s’est dit qu’on y allait massivement, sans rien lâcher sur le pass, pour faire reconnaître notre souffrance face à l’employeur, qui était réelle et profonde, mais aussi parce qu’on sentait arriver l’impasse, et que de manière pragmatique, si on pouvait faire sauter collectivement les sanctions, tant mieux. Trente personnes ont pris rendez-vous. La médecin était débordée. Aussi s’est-elle mise à faire du tri : si tu pleurais en entretien, elle t’exemptait de contrôle ; si tu ne pleurais pas, elle estimait que tu avais la pêche. L’enfer. Tu imagines ce scénario avec des mecs ? En fait, à la mairie de Grenoble, on nous préfère malades ou en arrêt de travail que combattantes, en opposition, défendant nos services.

La menace des sanctions a vraiment fait peur aux bibliothécaires. D’autant que treize personnes ont reçu des convocations disciplinaires début novembre, ce qui peut faire bien moche dans un dossier administratif, si tu veux changer de lieu de travail par exemple. À cela, il fallait ajouter le harcèlement quotidien, les cheffes qui nous reprochaient de casser l’ambiance, de priver les usager·es d’un service à cause de nos journées de grève. En se mettant à contrôler, certaines collègues avaient l’impression de nous lâcher et culpabilisaient terriblement. Sauf que, on le répète, notre force a été de ne pas nous écharper, de rester dans le dialogue et la solidarité. La mairie vante en permanence “le dialogue” mais nous on sait le faire, le dialogue : on parle, on s’engueule, on se réconcilie, on se serre les coudes, on se bourre la gueule ensemble, on fait des rassemblements où les prises de parole sont shlagos parce que c’est la dixième fois en trois semaines et qu’on commence à rabâcher, mais on ne s’en veut pas les unes les autres. »

 


Rassemblement contre le pass sanitaire dans les bibliothèques municipales sur le parvis de la mairie de Grenoble, 9 novembre 2021.

 

Épilogue : une victoire amère

« Après quatre mois de lutte contre le contrôle du pass sanitaire en bibliothèque, nous avons signé le protocole de sortie de crise le 25 novembre et avons ainsi gagné contre notre employeur. En gros, nous ne serons pas sanctionnées pour avoir lutté contre une mesure liberticide que lui-même avait condamnée ; nous avons résisté à ses tentatives pour nous diviser et nous réprimer ; nous avons défendu notre droit à nous organiser pour mener nos luttes et nous avons défendu le sens et les valeurs de notre métier et du service public. Néanmoins, nous sommes amères face à la contrepartie : des bornes d’autocontrôle ont été mises en place. Ce n’est plus à nous de contrôler mais aux gens de le faire eux-mêmes ; il est facile de frauder, cependant on sait très bien que les gens qui ont déjà du mal à venir en bibliothèque ne vont pas frauder s’ils n’ont pas de pass. Cela signifie qu’il y aura encore de la discrimination à l’entrée des bibliothèques, un contrôle social de la population et une automatisation accrue dans nos équipements. Nous aurions préféré, de loin, que nos élu·es fassent preuve de courage pour en revenir à une jauge à 49 personnes, ou qu’ielles appliquent la loi en exploitant ses brèches, sans zèle13, ce qui ne comportait pas trop de risque. Nous avons accepté ces bornes d’autocontrôle pour ne pas sombrer et nous faire broyer. Nous avons lâché sur ce point pour sauver notre santé et parce que c’est temporaire. Néanmoins nous continuons le combat contre le pass sanitaire, devenu vaccinal. Nous sommes fières d’avoir refusé, de montrer que c’est possible. Tout comme nous sommes fières de notre force collective. Elle a permis d’ouvrir des espaces de réflexion et de solidarité. Elle montre bien que les changements auxquels nous aspirons partent du bas, de nos petites luttes et de nos petits collectifs14. »


Propos recueillis le samedi 13 novembre 2021, au moment de la grève, et actualisés fin janvier 2022.

[1] Les bibliothécaires de Grenoble étant en très grande majorité des femmes, nous avons choisi de passer tout l’entretien au féminin.

[2] Dans un contexte global de réduction des dépenses de l’État pour réduire le déficit public, l’État décide en 2014 de réduire fortement ses contributions aux collectivités territoriales, et notamment la dotation globale de fonctionnement, qui correspond en moyenne à 19 % du budget des communes.

[3] Face à la baisse des dotations de l’État aux collectivités, Éric Piolle décide d’économiser 14 millions d’euros en l’espace de deux ans sur le dos des services publics plutôt que de choisir d’autres scénarios, qui auraient par exemple revu à la baisse ses investissements dans le secteur du bâtiment. Pour une analyse critique de la gestion municipale de Piolle, et notamment de ce « plan de sauvegarde », voir le livre de Vincent Peyret, Le vide à moitié vert, La gauche rouge-verte au pouvoir : le cas de Grenoble, Le monde à l’envers, 2021. Voir également l’article de Philippe Descamps, « Grenoble, ville-test », Le Monde diplomatique, décembre 2021.

[4] Sur la lutte des agentes d’entretien, animatrices périscolaires, ou Atsem à Grenoble, voir « Atsem la misère, récolte la colère », Le Postillon, hiver 2021, n°59.

[5] Regroupant pour l’occasion la CGT, la CNT, FO et Sud.

[6] Sur le blocage de la votation par Piolle, voir Philippe Descamps, op cit., et « Sabordage autogéré et participatif de la néo-démocratie grenobloise », Le Postillon, automne 2017, n° 42.

[7] Tout en précisant que, s’il y avait un nouvel équipement, ce serait à personnel constant, c’est-à-dire sans nouvelle embauche.

[8] Entre 2016 et 2018, la municipalité avait augmenté le tarif des abonnements et supprimé la gratuité pour les personnes de plus de 65 ans, en vigueur depuis plus de trente ans, ce qui avait entraîné une mobilisation de ces dernières.

[9] Il est à savoir que les budgets d’achat des livres papier n’ont en revanche pas augmenté depuis 2010.

[10] Entretien avec Lucille Lheureux, mené dans le cadre de l’enquête de Frédéric Martel sur la politique culturelle d’Éric Piolle. « La révolution culturelle de l’écologie politique à Grenoble », France Culture, 26/02/2021.

[11] Sur un effectif total de 170 personnes travaillant dans les bibliothèques, mais également en plein mois d’août, dans un contexte où 50 % de ces agent·es étaient en vacances donc absentes.

[12] Les ateliers sociolinguistiques sont des ateliers d’apprentissage du français délivrés gratuitement dans les centres sociaux ou Maisons des habitants à Grenoble.

[13] L’article 47-1du décret 2021-1056 du 7 août (modifié ensuite par le décret 2022-51 du 22 janvier 2022) indiquait la mention d’exemption de présentation de pass à toute personne « accédant à ces établissements pour des motifs professionnels ou à des fins de recherches ». Le terme « recherche » ne précise aucun type de recherche ni aucun type de public concerné et a été interprété par les collectivités comme étant réservé aux étudiants et aux chercheurs. Les bibliothécaires en lutte estiment que les élu·es auraient pu exploiter cette brèche sans prendre de grands risques.

[14] Voir également, sur cette lutte, l’entretien mené par le collectif Rupture avec l’une de ces bibliothécaires : https://lundi.am/Grenoble-les-bibliothecaires-en-lutte-contre-le-pass-sanitaire

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