
Dossier : Flagrants dénis
Thèmes : corps, femmes, pouvoir, sexisme, travail, travail gratuit
La petite histoire de la cuisine aménagée passe par celle de la photo. Utilisée à des fins de management scientifique, la méthode Gilbreth permet d’isoler le geste, pour le plus grand bien de la productivité. À la mort de son mari, Lillian Gilbreth transpose le procédé à l’espace domestique et devient pionnière du home management. Que cache le fondu au noir derrière les ampoules fixées aux doigts des ouvrier·es ou de la ménagère ?
1. Un fantôme
Dans la nuit noire, un éclair a tracé un enchevêtrement lumineux, comme une pelote désordonnée dont les fils s’entortillent et se dérobent. On distingue, juste au-dessous du tracé de lumière, une espèce de support, une table peut-être recouverte d’un linge. Le graphe lumineux occupe le centre de l’image. Au-dessous, une inscription énigmatique, « BL-15 », et une date : « nov 7 13 », 7 novembre 1913. Au-dessus, deux points étincelants, pareils à deux yeux horrifiques flottant dans l’obscurité.
2. Les plieuses
Maintenant, on y voit un peu clair. Au moins, il y a un décor : une pièce, qui semble assez basse de plafond, plongée dans une semi-obscurité. Au premier plan, des carrés de tissu, soigneusement pliés et alignés les uns à côté des autres. En arrière-plan, des formes fantomatiques, recouvertes d’un drap blanc. Les glyphes luminescents gravés dans l’image, comme « creusés » dans l’air, forment une sorte de fluide continu le long d’une ligne horizontale et s’amalgament à intervalles réguliers pour former des nœuds. Dans l’angle inférieur droit du cadre, une inscription manuscrite indéchiffrable et une série de chiffres. Ça pourrait être une séance d’occultisme, avec spectres et fluides magnétiques, comme on en faisait dans la bonne société américaine et européenne à la fin du XIXe siècle, quand la photographie était un agent actif des mystères plutôt qu’un témoin objectif du réel. Mais le décor n’est pas assez cossu, on n’est pas dans un salon richement orné, mais dans un espace plus fonctionnel, dont l’agencement régulier évoque l’atelier ou l’usine plus sûrement que l’intimité du foyer. Ces ombres blanches en arrière-plan ne sont pas des fantômes, encore moins des médiums invoquant les esprits, ce sont des ouvrières, des plieuses de mouchoirs dont on a ainsi tenté de mesurer et de représenter graphiquement la productivité. On a éteint la lumière et serti leurs doigts de petites ampoules électriques. Les volutes étincelantes qui traversent l’espace ne sont ni des manifestations paranormales, ni des accidents de la prise de vue ; elles matérialisent l’exécution cadencée du geste de travail des plieuses de mouchoirs durant le temps de pose long de l’appareil.
3. Le moindre geste
Ce n’est pas pour la beauté du geste qu’un ingénieur est venu photographier ces ouvrières harnachées d’un tel dispositif, mais pour mesurer l’efficacité de leurs mouvements, quantifier le rendement de leur travail, et l’augmenter encore, si possible. Sur un morceau de pellicule de film, on aperçoit maintenant distinctement une ouvrière, vêtue d’une tunique blanche et d’une espèce de nœud jabot noir. Elle s’applique à plier un mouchoir sur un support incliné tandis qu’une pile de linge devant elle témoigne du travail accompli. À ses côtés, un réveil indique l’heure et un chronomètre mesure la vitesse d’exécution du mouvement. Fort de toutes ces données chronométriques et cinétiques, le manager scientifique peut établir une fiche d’instruction détaillant avec précision l’action simultanée de la main droite et de la main gauche à la seconde près. Toute cette débauche de moyens, d’instruments et de calculs pour rationaliser une opération de pliage de mouchoirs ? C’est qu’il n’y a pas de petit profit pour Frank Bunker Gilbreth, l’ingénieur qui dirige l’expérience et qui a mis son nom en haut de la fiche d’instruction et sur le chronomètre.
4. Frank & Lillian Gilbreth, entrepreneurs en management scientifique
Une expérience de management scientifique, qu’est-ce que c’est au juste ? Gilbreth donne la réponse lui-même, dans un livre sur l’étude du mouvement appliquée, publié en 1917 avec son épouse et principale collaboratrice, Lillian Gilbreth : « Le management scientifique est simplement une forme de management fondée sur des mesures efficientes. Son application compétente est un art qui s’apprend, mais ses principes fondamentaux reposent sur l’exactitude de lois scientifiques accessibles à chacun. Il n’y a là rien d’obscur ou d’occulte, à l’image des pratiques de travail d’autrefois. Il y a là une science qui est le résultat d’une enquête minutieuse, étayée par des mesures précises. »1
L’expertise managériale parée des vertus de la science, ce n’est pas les Gilbreth qui l’ont inventée mais Frederick W. Taylor dans ses Principes de management scientifique en 1911, récit des profondes réformes des modes d’organisation du travail qu’il a engagées au sein des usines américaines depuis une trentaine d’années. C’est l’époque où la nouvelle caste professionnelle des ingénieurs-managers en appelle à la rationalité et à la mesure scientifiques pour justifier la restructuration et l’accélération du travail, les sciences et les techniques devenant les instruments de cette quête de l’efficience absolue au service du capital. Mais dans les ateliers, Taylor et ses agents sont plus souvent accueillis avec circonspection qu’avec enthousiasme. Il arrive même que les ouvrier·es contestent l’exactitude du chronomètre qui, en définitive, n’est jamais qu’un appareil manipulé par un opérateur en assurant le déclenchement et l’arrêt. À Watertown, dans le Massachusetts, en 1911, l’arsenal tout entier entre en grève pour s’opposer à ces réformes managériales. Gilbreth, l’un des plus fervents disciples de Taylor, propose de recourir au cinématographe et à la photographie pour éliminer tout biais subjectif et apporter des gages aux syndicats.
5. La méthode de l’efficience
L’histoire du self-made man Gilbreth, plus exactement des Gilbreth, tant Frank a composé avec son épouse Lillian et leurs douze enfants une véritable mythologie familiale, relève de la fiction hollywoodienne. Les livres de deux de leurs enfants, Cheaper by the Dozen en 1948, puis Belles on Their Toes en 1950, seront d’ailleurs adaptés au cinéma par la Fox en 1950 et 1952. Le premier s’ouvre par un portrait élogieux du père :
« L’une des raisons pour lesquelles il [Frank Gilbreth] eut tant d’enfants — nous étions douze — tient à ce qu’il était convaincu que quoi que lui et Mère entreprennent ensemble, ce serait toujours un succès. Père mettait toujours ses paroles en actes, et il était presque impossible de dire où finissait sa société de management scientifique et où commençait sa vie de famille. »2
Frank, apprend-on dans la suite de ce récit familial, avait attribué à chacun des membres de sa nombreuse progéniture un numéro, pour plus d’efficacité dans la gestion routinière des tâches. Leur légende, les Gilbreth l’ont bâtie elleux-mêmes, d’abord en devenant consultant·es en management scientifique et en offrant leurs services à des entreprises américaines et européennes, ensuite en mettant en scène leur propre famille dans la fiction utopique d’une existence entièrement soumise au règne de la mesure et de la rationalité. Gilbreth met au point une méthode fondée sur la mesure photographique et cinématographique des gestes de travail : entre 1911 et 1912, il en définit les principes fondateurs en installant un petit laboratoire au sein de la New England Butt Company à Providence. Toutes les surfaces de la pièce, jusqu’au plafond, ont été recouvertes d’un tracé géométrique. Bien visible dans le champ de la caméra, un chronomètre assure le spectateur de l’exactitude des mesures réalisées. Tout ici repose sur la précision des instruments de mesure, caméra comprise, puisque le film comme la photographie sont les matériaux premiers de l’analyse du mouvement et qu’ils sont d’une fiabilité indubitable. La « micro-motion study » de Gilbreth se veut une forme « douce » de management, qui analyse le moindre geste de l’ouvrier·e pour le redéfinir de façon plus efficiente, selon une véritable grammaire du mouvement. Cette grammaire, les Gilbreth l’ont même codifiée, et baptisée selon un savoureux anagramme à leur propre gloire : les « Therbligs » forment un alphabet de dix-huit mouvements élémentaires au sein d’une économie du geste à l’usine. « Assemble », « Search », « Select », « Plan », « Inspect »… autant de gestes standardisés aux fins de l’optimisation du travail. La mesure au service de l’efficience, voilà comment on pourrait résumer l’obsession des Gilbreth, qui préfèrent un slogan dont iels usent et abusent : « The one best way ! »
6. Cyclegraphes
L’ultime invention des Gilbreth relève d’une prouesse technique et rhétorique : elle porte le nom de « cyclegraphe » (parce qu’elle enregistre le cycle entier d’un mouvement répété) et se décline en variantes cinématiques (chronocyclographes) et modélisées en trois dimensions (stereochronocyclographes)3. Elle consiste essentiellement en une adaptation de la méthode chronophotographique d’Étienne-Jules Marey quand, aux fins d’une étude de la locomotion humaine, celui-ci revêtait les sujets étudiés de vêtements sombres marqués, le long des membres et aux articulations, de lignes claires, de façon à ce que le tracé de leurs déplacements apparaisse distinctement devant un fond noir. De ces tracés figuratifs, les Gilbreth font des graphes électriques, en fixant de petites ampoules aux mains des travailleur·ses, ou bien à d’autres parties de leur corps, tandis qu’iels accomplissent leurs tâches routinières devant l’appareil photographique : voilà comment les plieuses de mouchoirs, les dactylographes et les ouvrières qualifiées se retrouvent, bon gré mal gré, devant l’objectif des Gilbreth. Pour inciter ces dernières à se prêter à l’expérience et les laisser les photographier, iels imaginent même de les récompenser en leur offrant un modèle filaire en trois dimensions de leur meilleure « trajectoire à moindre perte ».
7. Le facteur humain
Contrairement à Taylor, les Gilbreth plaident pour une amélioration qualitative des conditions de travail des ouvrier·es. Iels ont aussi compris qu’on obtient plus facilement la coopération des employé·es d’usine par la ruse que par la force. Dès les premiers écrits de Lillian, publiés sous leurs deux noms, l’accent est mis sur une donnée absente des études de Taylor : le facteur humain (« the human element »). Dans une étude sur la fatigue publiée en 19164, sous-titrée « L’élimination du plus grand gaspillage de l’Humanité. Un premier pas dans l’étude du mouvement », le couple va jusqu’à ériger ce souci de la santé, physiologique et psychologique, du ou de la travailleur·se en argument premier de leur expertise, préconisant l’élimination de tout ce qui contribue à une fatigue inutile et improductive de l’employé·e et suggérant même une reconfiguration ergonomique des lieux de travail avec un mobilier plus approprié à l’accomplissement des tâches requises. Reste que ce souci du bien-être et de la santé des travailleur·ses se trouve curieusement escamoté des images que les Gilbreth produisent. Bien que ces images fonctionnelles aient été réalisées dans un cadre industriel, et à des fins sans doute plus promotionnelles que scientifiques, on ne saurait nier leur esthétique paradoxale. Plus précisément, ces images sont belles parce que le sujet de l’action disparaît presque complètement : le geste n’y est plus figuré que comme une pure abstraction, détaché du corps qui l’a accompli. Les graphes lumineux impressionnés sur la plaque photographique semblent flotter au-dessus des établis dans des espaces abandonnés, comme si le travail n’avait plus besoin de travailleur·ses pour s’accomplir, comme s’il ne pesait plus sur les corps des ouvrier·es. Cruelle ironie quand on sait que ces images témoignent exactement du contraire : l’intensification des rythmes du travail, la fragmentation et la spécialisation des tâches, l’automatisation des gestes calqués sur la cadence des machines, toutes choses qui dépossèdent l’individu de son savoir-faire propre et de sa liberté d’action. La beauté des cyclegraphes et autres chronocyclographes des Gilbreth est donc aussi une beauté pathologique, parce qu’elle nie précisément ce que, à travers une communication bien rodée, celleux-ci prétendent corriger : la fatigue des corps. Ces corps parfois restent visibles à l’image ; moins comme des individus identifiés que comme des ombres, des spectres défaits de leur matérialité, virtualisés dans la répétition mécanique du geste indéfiniment refait. Seules la performance et la perfection du geste importent ; l’effort, la souffrance et l’aliénation n’ont pas à apparaître sur ces images, c’est là le triste sort fait au « facteur humain ».
8. Une reconversion, « le génie de l’art de vivre »
Mais voilà qu’en 1924 Frank Bunker Gilbreth meurt d’une crise cardiaque sur un quai de gare. Sa disparition soudaine menace la fragile économie de l’entreprise familiale, Lillian ne pouvant plus compter que sur elle-même pour subvenir aux besoins de sa nombreuse famille. Parce qu’elle est une femme dans un milieu d’ingénieurs exclusivement masculin, elle est jugée peu crédible par les firmes qui recouraient jusqu’alors aux services de Frank, et ne parvient à renouveler aucun contrat. Ces circonstances l’obligent à se réinventer complètement. Lillian Moller Gilbreth, épouse discrète et collaboratrice de l’ombre — dont la signature, « L. M. Gilbreth », laissait supposer qu’elle était un homme — devient en l’espace d’une dizaine d’années l’une des plus fameuses home managers de son pays, si bien qu’en 1934 un magazine la qualifie de « Première dame de l’ingénierie » en Amérique. Elle n’en reste pas moins novice sur un terrain déjà occupé par quelques grandes figures qui, de la Grande-Bretagne aux États-Unis, ont inventé l’économie domestique dans la deuxième moitié du XIXe siècle. De l’aménagement intérieur aux cuisines collectives, la maison est devenue l’espace politique contesté d’une redistribution économique et sociale du travail entre hommes et femmes. L’un des grands enjeux des mouvements féministes de la fin du XIXe siècle et du début du XXe siècle aura ainsi été de gommer la frontière qui sépare l’usine de la cuisine, la vie professionnelle de la vie domestique. Le combat des « féministes matérielles » qui souhaitent engager aux États-Unis « une grande révolution domestique »5 a débuté en 1868 par une campagne en faveur de la rémunération du travail domestique et l’utopie d’habitats communautaires, au sein desquels les cuisines et blanchisseries constitueraient des espaces non plus individuels mais partagés non seulement entre familles, mais aussi entre hommes et femmes. Il se termine dans les années 1930 avec la promotion de la famille mononucléaire et de l’habitat individuel, et la célébration d’une féminité assignée au foyer. Cette défaite n’est pas seulement imputable à des politiques publiques qui, à l’instar de la « Conference on Home Building and Home Ownership » organisée à l’initiative du Président Herbert Clark Hoover en 1931, ont privilégié la maison individuelle et le marché privé pour soutenir la croissance économique et l’industrie américaines6, mais aussi au rôle d’ingénieurs et d’industriels au service desquels ont travaillé Ellen Richards, Christine Frederick et Lillian Gilbreth. La première fonde les cours de « science domestique » aux États-Unis en 1899. Son destin est celui d’une femme pionnière — la première admise au sein du Massachusetts Institute of Technology (MIT) — à laquelle ses diplômes en chimie n’offrent aucune opportunité de carrière, si bien que le seul domaine où elle trouve finalement à exercer ses talents de chimiste, avec une résignation tragique puisqu’elle s’opposera par la suite à l’admission des femmes au MIT, est celui de la nutrition et de l’hygiène. À la fin du siècle, Richards conçoit des cuisines équipées de toutes les technologies modernes, véritables petits laboratoires scientifiques à l’usage de ménagères sensibilisées aux enjeux nutritionnels. La deuxième est l’autrice d’un succès de librairie, The New Housekeeping [La Nouvelle Ménagère], sous-titré « Études sur l’efficacité dans la gestion du foyer »7, dans lequel elle importe les méthodes managériales de Taylor au sein des foyers américains, et redéfinit le rôle des ménagères pour en faire de véritables ingénieurs domestiques. Dans la préface, Christine Frederick raconte que c’est à travers son mari qu’elle s’est d’abord intéressée aux techniques de rationalisation du travail industriel, avant d’imaginer appliquer ces méthodes au travail domestique.
9. « The Kitchen Practical »
Dans son premier ouvrage d’ingénierie domestique, The Home-Maker and Her Job, publié en 1927 sous son seul nom, Lillian Gilbreth élabore des procédures assez surréalistes d’auto-analyse du travail domestique par la femme au foyer, sujet et objet de son propre examen. Elle encourage ses lectrices à utiliser une pelote de laine qu’elles laissent se dévider derrière elles, afin d’établir une cartographie précise de leurs gestes et déplacements routiniers au sein de la maison. Le but affirmé reste identique à celui qui déterminait les dispositifs expérimentaux de Frank Gilbreth dans les usines, il s’agit toujours d’établir le protocole le plus efficient (« The One Best Way »). Tandis que les féministes rêvaient au tournant du siècle de maisons ouvertes et de cuisines communautaires, Lillian Gilbreth, à la suite d’Ellen Richards et de Christine Frederick, promeut l’efficience et la rationalisation pseudo-scientifique de la cuisine et de l’ensemble des tâches domestiques.
Mais le parallèle entre la cuisine et l’usine s’arrête au seuil de la réalité de la condition solitaire et non-salariale du travail domestique. La ménagère « home manager » de Gilbreth ressemble à celle de Frederick, que celle-ci appelle « Mrs Consumer »8 : la femme au foyer idéale dépend des équipements et des biens de consommation qui sont censés lui faciliter la tâche. Nul hasard donc à ce que Gilbreth comme Frederick soient devenues les ambassadrices des industries de l’électro-ménager. La mise en scène de sa propre vie contribue à inscrire cette rhétorique managériale dans une mythologie familiale dont les médias de l’époque vont s’emparer. Oubliant le personnel qu’elle emploie à la maison, Gilbreth prétend que ce n’est que grâce au management scientifique qu’elle est parvenue à mener de front sa carrière professionnelle et sa vie de famille après la disparition de son mari. Plus diplômée que ce dernier — elle soutient, en 1915, une thèse de doctorat en psychologie à l’université de Brown —, elle en était le premier associé. Mais Lillian ne cesse de promouvoir l’exact contraire de ce qu’elle est : l’aliénation des femmes à l’espace domestique, leur soumission aux impératifs de carrière de leur mari, leur dévouement exclusif à l’éducation des enfants. Elle continuera d’affirmer que, bien qu’il soit souhaitable que les maris participent à certaines tâches domestiques, leur principale contribution à la vie du foyer est financière, alors qu’elle-même subvient seule à la vie économique de sa maisonnée. Dans la biographie familiale très romancée qu’Ernestine et Frank Bunker Jr, deux de ses enfants, publient en 1948 puis en 1950, on apprend qu’à la mort de leur père Lillian savait à peine cuisiner et n’avait jamais eu à charge les tâches ménagères. Celle qui, dans les années 1940, serait présentée par les journaux féminins comme « le génie de l’art de vivre », était décrite par ses enfants comme « un modèle d’inefficience »9. Son génie a surtout consisté à persuader les femmes que la clef du bonheur se trouvait dans l’auto-aliénation.