Numéro 1, automne 2017

Dans ce premier numéro, alors que les pelles mortes se ramassent à la feuille et que le duende andalou s'invite dans nos pages, on sortira des marins du grand bleu et de l'oubli, on suivra des contrebandières dans les ressacs de la chute du bloc soviétique, on marquera un arrêt dans la salle télé d'un HP, on éprouvera le dilemme de femmes prises en étau entre féminisme blanc et anti-racisme viril, on servira le déni au dîner le temps d'un dimanche familial et fleuri, on coupera la chique à ceux qui tranchent les vulves pendant les accouchements, on écoutera les témoignages des récents massacres mexicains, on s'attardera en images sur la guerre Iran-Irak, on mangera des broussailles par la racine, on chantera ensemble, main dans la main, « Que je t'aime, que je t'aime, que je t'aime... ! » et le moment venu – roulements de tambour et lever de rideau – on pénétrera dans QUIPROCLASH, l'univers des paroles déplacées à la sauce Panthère, celui des langues déliées et des langues mordues, et il y en aura pour tout le monde, petit·es et grand·es, esclaves sous l'Inquisition, psychanalystes et dissident·es chinois·es !

Collaboratrices de ce numéro

Conception graphique de la couverture : Alexandra Gerber

Conception graphique de la maquette : Jeanne Gangloff, Eléonore Jasseny, Félicité Landrivon

« Puisque notre chasse a couru les montagneuses forêts et pâturages d’Italie sans rencontrer la panthère que nous poursuivions, tâchons de relever ses voies à quelques marques plus raisonnables, a"n de parvenir par soigneuse adresse à lier bel et bien de nos "lets cette proie dont l’odeur se répand en tous lieux, mais qui nulle part ne se laisse voir. »

Dante, De vulgari eloquentia, I, XVI
(traduction André Pézard)

 

Félin pour l'autre

Imaginer une revue qui s'appelle Panthère Première, c'est se retrouver en février 2016 à Marseille et se dire qu'on a envie de se lancer dans cette aventure toutes ensemble, celles qui s’étaient connues autour d'autres revues et celles qu'on rencontrerait chemin faisant. C'est se dire, oui, une revue mais pas n'importe comment: en réunissant des équipes éditoriale et technique non-mixtes pour s'essayer à d'autres manières de travailler; en ouvrant nos colonnes aux plumes qui se font trop discrètes; en réfléchissant à une économie de la revue qui nous offrirait les moyens matériels nécessaires à une production de qualité et qui ne reposerait pas entièrement sur le bénévolat.

Concevoir une revue qui s'appelle Panthère Première, c’est commencer par lister des titres de rubriques absurdes et enchaîner les jeux de mots carnassiers avant de s’accorder, en mai 2016, sur l’idée d’une revue généraliste et féministe qui s’intéresse aux différentes manières dont le personnel est politique. C’est décider d'explorer, d’un numéro à l’autre, les intersections entre ce qui est communément renvoyé à la sphère du privé – famille, enfance,
habitat, corps ou sexualités – et les sphères systémiques – État, marché, travail… – en partant du principe que les formes de domination, de résistance et de créativité s'ancrent et se pérennisent dans ces plis. C'est adopter une ligne éditoriale qui reconnaît que les expériences vécues peuvent faire l’objet de questionnements critiques.

Fabriquer une revue qui s'appelle Panthère Première, c'est se réunir pour six week-ends et deux semaines de travail collectif à Paris, Grenoble ou Marseille et échanger 1312 fils de mails en une année et demie; penser des méthodes d'écriture et d'édition collaboratives et horizontales et les réajuster sans cesse. C'est s'enthousiasmer sur des propositions de maquette et débattre sans fin du grammage de la couverture avec les graphistes lyonnaises.
Éditer une revue qui s'appelle
Panthère Première, c'est lancer ce premier numéro en s'intéressant à la portée subversive des actes de langage dans notre dossier Quiproclash! C'est penser que le papier n'est pas une tour d'ivoire ; se laisser toucher et prendre position, s'engager au-delà de la publication et espérer vous toucher aussi car, chère lectrice, cher lecteur, nous sommes, au fond, certainement félin pour l'autre.

HP, l’ère du vide

Par Sila B.

« Regarder Le Maillon faible avec des gens qui vont mal, voir l’animatrice humilier le maillon faible et les pubs qui défilent où il n’est question que de beaux cheveux, d’intérieurs bien tenus et d’automobiles filant dans des décors de cinéma. » Témoignage.

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Le dilemme de Cologne

Quel espace politique pour les femmes racisées ?

Par Mélusine

Été « burkini », bar de Sevran, femmes « en voie de disparition » à La Chapelle… Le débat public mêle allègrement féminisme instrumentalisé et racisme décomplexé. Entre le marteau et l'enclume, quel espace politique pour les femmes racisées ?

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dossier : Quiproclash !

Panthère Première s’installe à la lisière des dits conformes et des voix légitimes, à l’écoute des paroles qui dérangent et résistent, attentive aux manières de contraindre, de pousser des individus à conformer leurs discours, d’étouffer les bricolages malvenus. Quiproclash ! Ou comment les dissonances du langage révèlent avec force rapports de pouvoir et rigueur des institutions.

Privé : Son frère, il parle pas

Bricolage langagier en famille

Par Mathilde Blézat

Comment communiquer en famille quand celle-ci compte une personne qui ne peut acquérir le langage oral classique ? A partir de sa propre expérience, l’auteure se livre à un travail d’enquête auprès de sa famille. Une histoire d’inventivité langagière collective qui ne fait pas l’impasse sur les rapports, souvent conflictuels et empreints de malentendus, entre la famille et les institutions médico-éducatives chargées de la « prise en charge des porteurs de handicap mental ».

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Sur le fil

Les usages du silence dans un procès inquisitorial

Par Frank K., Eduardo V., Lydia T.

Que faire quand on est conduit dans les geôles de l’Inquisition, sans savoir de quoi on est accusé ? Quand des mois durant, on fait face à des juges qui parlent une langue et manipulent des références incompréhensibles ? Que faut-il dire et qu’est ce qu’il est possible, surtout, de cacher ?

September 1980 — August 1988

Série réalisée par Saba Niknam

44 %

L’épisiotomie ou la violence médicale banalisée

Par ppcm

Obscurs, abstraits, réducteurs ou mensongers, les chiffres construisent un monde en trompe-l’œil et font écran à des réalités bien concrètes. Dissection du numéro gagnant.

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Inciser le silence

Engagements narratifs contre la violence d'État au Mexique

Par Adèle Blazquez

Deux livres du journaliste indépendant états-unien John Gibler explorent les liens structurels entre violence d’État, narcotrafic et mise sous silence des voix divergentes dans le Mexique contemporain.

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